mercredi 4 avril 2007

Le dépotoire du Nord

...ou la dump de Yellowknife

« Viens, on s’en va chercher un bureau! »
« D’accord! Où? »
« À la dump! »
« À la quoi? La dump!? »

Et ainsi commence mon histoire.

Quand j’étais gamine, j’habitais une petite ville régionale : Rouyn-Noranda. J’aimais nommer ma ville : Rouyn-Noranda beach. Ça donnait un petit air exotique à notre trou. Tout au long de mon enfance, « la dump » fut un endroit presque mythique. Un peu comme les Cités d’Or ; tout le monde en avait entendu parler, mais personne n’y était jamais allé. Pas même nos parents. Mais plus que tout, « le chemin de la dump » était le théâtre de centaine de légendes urbaines toute plus sanguinolentes les unes que les autres. Quand on était petit, on avait pas le goût d’aller sur le « chemin de la dump » parce que il paraissait il y avait plein de monde qui s’y faisait écoeurer, tabasser et même… tuer.

Lorsque je devins une adolescente, « le chemin de la dump » prit une autre signification pour moi. Ce n’était plus la route des blessés ou des macchabés, mais des baisers et des baisés… C’était la mode d’y suivre son petit ami afin de faire des « béqué-bobos » dans sa voiture transpirant la testostérone. Le comportement typique macho des mecs des films américains des années soixante se transportait jusqu’à Rouyn-Noranda beach. On se trouvait dont cool quand on revenait en char du « chemin de la dump ». On se sentait tout de suite plus vieux, plus adulte. On était fiers de faire l’amour dans le dos de nos parents et on se trouvait dont hot de le faire parfois dans leur char sans qu’ils ne s’en rendent compte.

Toute mon histoire sur « le chemin de la Dump » à Rouyn-Noranada-beach pour en venir au sous-titre de ce texte : La dump de Yellowknife.
Oui, moi aussi j’avais des yeux incrédules.

« T’es certain mon chéri que tu veux aller chercher un bureau à la dump? Parce que je suis prête à investir un peu si tu veux…
- Non, non, tu vas voir Mylène. Ici ce n’est pas une dump ordinaire. C’est comme une petite mine d’or. »

Et il avait bien raison le mec de Baie-Comeau. À la dump de Yellowknife, on peut meubler notre maison au complet et même notre chalet au lac Johanne si on veut (quoique c’est un peu loin…).



« À votre gauche madame, les électroménagers. Cuisinière, frigo, laveuse, sécheuse, micro-onde et encore plus si vous fouillez bien! Souvent plus de la moitié des électroménagers sont encore très fonctionnels et ne demandent qu’à être branchés! Ici, encore à votre gauche, le coin du bois. Tables, chaises, meubles quelconques, bureaux de travail, commodes, étagères, etc.! Tiens Mylène, voilà un petit bureau parfait! On l’embarque! »

Suspicieuse, je me suis approché du meuble. Je l’ai ouvert, retourné dans tous les sens, inspecté à la loupe…Il est neuf ou quoi?!

« Ensuite, le caoutchouc, les pneus puis le verre. Là, c’est interdit d’y aller sauf pour déverser car c’est trop dangereux. Puis, le métal et l’acier. Et regarde le cimetière de voiture là-bas! Ici, le béton. Et le plat de résistance : le n’importe quoi! »

Mes yeux se posèrent sur ce que je qualifierais d’une toile absurde. Des écrans d’ordinateur bien cordés en rang d’oignons, une bicyclette qui m’apparaissait bien rouler sur deux roues, un de peinture de Renoir, une vieille table de salon, des millions de sacs de poubelles, des couches, des vieux magazines pornos, la carcasse d’un poulet, des vêtements en très bon état, une luge, un fauteuil royal, un appareil d’exercice, un sac de pomme plein, des peluches, des espadrilles neuves, et ainsi de suite. Les immenses corbeaux volaient au dessus de nos têtes comme des charognards. J’avais presque peur de découvrir un corps inerte en marchant sur les débris. Et j’ai trouvé Steve! Le cheval russe tombé de son carrousel. Je l’ai sauvé de cet enfer et apporté chez moi. Il est maintenant la fière mascotte de notre humble demeure, souriant à tous ceux qui entre chez moi.




F.A.Q.

Pourquoi il y a tant d’objets en bon état à la dump de Yellowknife?

Comme Yellowknife est une ville où souvent les gens n’y viennent travailler que pour quelques années, parois même seulement une, ils se débarrassent de leurs meubles avant de quitter. Un déménagement familial du Québec jusqu’à Yellowknife peut coûter jusqu’à 10 000 $. Les gens trouvent donc moins compliqué de sacrer leurs affaires à la dump que de se casser la tête à les vendre ou à la rapporter avec eux.

Mais il n’y a pas une odeur écoeurante là-bas?

Je tiens à dire qu’ici, nous sommes encore sous la barre du zéro degré celcius.

N’y a-t-il pas l'Armée du salut ou quelque chose d’autres du genre pour les vêtements?

Est-ce tout le monde qui met son papier à la récupération?

1 commentaire:

Jack a dit…

Salut la fille du nord!
Comme ça on empruntait la voiture des parents pour aller visiter le "chemin de la dump"? Tsk...Tsk... Tsk...Dans mon temps on l'appelait le "chemin d'la MacDonald" (à cause d'une mine).Et il s'en est "déversé" d'la testostérone dans ce coin-là...Soit!
Félicitation pour ton nouveau blog sur le pays des aurores boréales: très intéressant. Mais dis donc toi, t'as hérité de la plume de ton pôpa? Gros bisous ma belle.XXX